ENVOI Vous portastes, digne Vierge, princesse, Iesus regnant, qui n'a ne fin ne cesse. Le Tout-Puissant,
prenant nostre foiblesse, Laissa les cieulx et nous vint secourir, Offrit à mort sa tres chiere jeunesse. Nostre
Seigneur tel est, tel le confesse, En ceste foy je vueil vivre et mourir.
[See Notes]
37 Ballade De bonne doctrine a ceux de mauvaise vic.
CAR ou soies porteur de bulles, Pipeur ou hasardeur de
dez, Tailleur de faulx coings, tu te brusles, Comme ceulx qui sont eschaudez, Traistres parjurs, de foy
vuydez; Soies larron, ravis ou pilles: Où en va l'acquest, que cuidez? Tout aux tavernes et aux filles. Ryme, raille, cymballe, luttes, Comme fol, fainctif, eshontez; Farce, broulle, joue des fleustes; Fais, es
villes et es citez, Farces, jeux et moralitez; Gaigne au berlanc, au glic, aux quilles. Aussi bien va -- or escoutez -- Tout aux tavernes et aux filles.
De telz ordures te reculles; Laboure, fauche champs et prez; Sers et pense chevaulx et mulles; S'aucunement
tu n'es lettrez; Assez auras, se prens en grez. Mais se chanvre broyes ou tilles, Ne tens ton labour qu'as
ouvrez Tout aux tavernes et aux filles.
ENVOI Chausses, pourpoins esguilletez, Robes, et toutes voz drappilles, Ains que vous fassiez pis, portez Tout
aux tavernes et aux filles.
[See Notes]
38 L'Epitaphe En forme de ballade que feit Villon pour luy et ses compagnons, s'attendant estre pendu avec eux.
FRERES
humains, qui après nous vivez, N'ayez les cuers contre nous endurcis, Car, se pitié de nous povres avez, Dieu
en aura plus tost de vous mercis. Vous nous voiez cy atachez cinq, six, Quant de la chair, que trop avons
nourrie, Elle est pieça devorée et pourrie, Et nous, les os, devenons cendre et pouldre. De nostre mal personne
ne s'en rie, Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre! Se freres vous clamons, pas n'en devez Avoir desdaing, quoy que fusmes occis Par justice. Toutesfois,
vous sçavez Que tous hommes n'ont pas bon sens assis; Excusez nous -- puis que sommes transsis -- Envers le filz de la Vierge Marie, Que sa grace ne soit pour nous tarie, Nous preservant de l'infernale
fouldre. Nous sommes mors, ame ne nous harie; Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!
La pluye nous a buez et lavez, Et le soleil desechez et noircis; Pies, corbeaulx, nous ont les yeux cavez, Et
arraché la barbe et les sourcilz. Jamais, nul temps, nous ne sommes assis; Puis çà, puis là, comme le vent
varie, A son plaisir sans cesser nous charie, Plus becquetez d'oiseaulx que dez à couldre. Ne soiez donc
de nostre confrairie, Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!
ENVOIPrince Jhesus, qui sur tous a maistrie, Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie: A luy n'ayons
que faire ne que souldre. Hommes, icy n'a point de mocquerie, Mais priez Dieu que tous nous vueille
absouldre [See Notes]
39 Rondeau MORT, j'appelle de ta rigueur, Qui m'a ma maistresse ravie, Et n'es pas encore assouvie, Se
tu ne me tiens en langueur. Onc puis n'eus force ne vigueur; Mais que te nuysoit elle en vie, Mort? Deux
estions, et n'avions qu'ung cuer; S'il est mort, force est que devie, Voire, ou que je vive sans vie, Comme
les images, par cuer, Mort!
40 Grant Testament, clxiii-clxu ITEM, j'ordonne à Saincte-Avoye, Et non ailleurs,
ma sepulture; Et -- affin que chascun me voie, Non pas en char, mais en painture -- Que l'on tire mon
estature D'ancre, s'il ne coustoit trop chier. De tombel? Riens; je n'en ay cure, Car il greveroit le plancher.
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