sçavez-vous (Syre) comment le paye?
Nul ne le sçait, si premier ne l'essaye;
Vous me devrez (si je puis) de retour,
Et vous feray encores un bon tour.
A celle fin qu'il n'y ait faulte nulle,
Je vous feray une belle cedulle,
A vous payer (sans usure, il s'entend)
Quand on verra tout le monde content;
Ou si voulez, a payer ce sera
Quand vostre loz et renom cessera.
Et si sentez que soys foible de reins
Pour vous payer, les deux princes Lorrains
Me plegeront. Je les pense si fermes
Qu'ilz ne fauldront pour moy à l'un des termes.
Je sçay assez que vous n'avez pas peur
Que je m'enfuye ou que je soys trompeur;
Mais il faict bon asseurer ce qu'on preste;

Bref, vostre paye, ainsi que je l'arreste,
Est aussi seure advenant mon trespas
Comme advenant que je ne meure pas.
  Avisez donc si vous avez desir
De rien prester; vous me ferez plaisir,
Car puis un peu j'ay basty à Clement,
Là où j'ay faict un grand desboursement;
Et à Marot, qui est un peu plus loing,
Tout tombera, qui n'en aura le soing.
  Voila le poinct principal de ma lettre;
Vous sçavez tout, il n'y fault plus rien mettre.
Rien mettre? Las! Certes, et si feray;
Et ce faisant, mon style j'enfleray,
Disant: `O Roy amoureux des neuf Muses,
Roy en qui sont leurs sciences infuses,
Roy plus que Mars d'honneur environné,
Roy le plus roy qui fut onc couronné,
Dieu tout puissant te doint pour t'estrenner
Les quatres coings du monde gouverner,
Tant pour le bien de la ronde machine,
Que pour autant que sur tous en es digne.'


45   Rondeau

      De l'amour du Siècle Antique

AU bon vieulx temps un train d'amour regnoit
Qui sans grand art et dons se demenoit,
Si qu'un bouquet donné d'amour profonde,
C'estoit donné toute la terre ronde,
Car seulement au cueur on se prenoit.

Et si par cas à jouyr on venoit,
Sçavez-vous bien comme on s'entretenoit?
Vingt ans, trente ans: cela duroit un monde
          Au bon vieulx temps.

Or est perdu ce qu'amour ordonnoit:
Rien que pleurs fainctz, rien que changes on n'oyt;
Qui vouldra donc qu'à aymer je me fonde,
Il fault premier que l'amour on refonde,
Et qu'on la meine ainsi qu'on la menoit
          Au bon vieulx temps.


Chansons

46       i QUI veult avoir liesse
Seulement d'un regard
Vienne veoir ma maistresse
Que Dieu maintienne et gard:
Elle a si bonne grace,
Que celluy qui la veoit
Mille douleurs efface,
Et plus s'il en avoit.

Les vertus de la belle
Me font esmerveiller;
La souvenance d'elle
Faict mon cueur esveiller;
Sa beauté tant exquise
Me faict la mort sentir;
Mais sa grace requise
M'en peult bien garantir.

47       ii

PUIS que de vous je n'ay autre visage,
Je m'en voys rendre hermite en un desert,
Pour prier Dieu, si un autre vous sert,
Qu'autant que moy en vostre honneur soit sage.

Adieu amours, adieu gentil corsage,
Adieu ce tainct, adieu ces frians yeulx.
Je n'ay pas eu de vous grand advantage;
Un moins aymant aura peult estre mieulx.

48       iii

NE sçay combien la haine est dure,
Et n'ay desir de le sçavoir;
Mais je sçay qu'amour, qui peu dure,
Faict un grand tourment recevoir.
Amour autre nom deust avoir;
Nommer le fault fleur ou verdure
Qui peu de temps se laisse veoir.

Nommez le donc fleur ou verdure
Au cueur de mon leger amant;
Mais en mon cueur qui trop endure,
Nommez le roc ou dyamant:
Car je vy tousjours en aymant,
En aymant celuy qui procure
Que Mort ne voyse consommant.

49       iv

  By PanEris using Melati.

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