Ainsi en ta premiere et jeune nouveauté, Quand la terre et le ciel honoroient ta beauté, La Parque t'a tuée, et
cendre tu reposes.
Pour obseques reçoy mes larmes et mes pleurs, Ce vase plein de laict, ce pannier plein de fleurs, Afin
que vif et mort ton corps nc soit que roses.
60 vi QUAND vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, Assise auprès du feu, devidant et filant, Direz
chantant mes vers, en vous esmerveillant: Ronsard me celebroit du temps que j'estois belle. Lors vous n'aurez servante oyant telle nouvelle, Desja sous le labeur à demy sommeillant, Qui au bruit de
mon nom ne s'aille resveillant, Benissant vostre nom de louange immortelle.
Je seray sous la terre, et, fantosme sans os, Par les ombres myrteux je prendray mon repos: Vous serez
au fouyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et vostre fier desdain. Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain: Cueillez dès aujourd'huy
les roses de la vie.
61 vii (A la Royne d'Ecosse.) ENCORES que la mer de bien loin nous separe, Si est-ce que l'esclair de
vostre beau soleil, De vostre oeil qui n'a point au monde de pareil, Jamais loin de mon coeur par le temps
ne s'egare. Royne, qui enfermez une royne si rare, Adoucissez vostre ire et changez de conseil; Le soleil se levant et
allant au sommeil Ne voit point en la terre un acte si barbare.
Peuple, vous forlignez, aux armes nonchalant, De vos ayeux Renauld, Lancelot et Roland, Qui prenoient
d'un grand coeur pour les dames querelle;
Les gardoient, les sauvoient, où vous n'avez, François, Ny osé regarder ny toucher le harnois Pour oster de
servage une royne si belle.
62 viii JE veux lire en trois jours l'Iliade d'Homere, Et pour ce, Corydon, ferme bien l'huis sur moy: Si rien
me vient troubler, je t'asseure ma foy, Tu sentiras combien pesante est ma colere. Je ne veux seulement que nostre chambrière Vienne faire mon lit, ton compagnon, ny toy; Je veux trois
jours entiers demeurer à requoy, Pour follastrer, après, une sepmaine entiere.
Mais si quelqu'un venoit de la part de Cassandre, Ouvre-luy tost la porte, et ne le fais attendre, Soudain
entre en ma chambre, et me vien accoustrer.
Je veux tant seulement à luy seul me monstrer: Au reste, si un dieu vouloit pour moy descendre Du ciel,
ferme la porte, et ne le laisse entrer.
Odes
63 i MIGNONNE, allons voir si la rose Qui ce matin avoit desclose Sa robe de pourpre au Soleil, A point
perdu ceste vesprée Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au vostre pareil. Las! voyez comme en peu
d'espace, Mignonne, elle a dessus la place Las! las! ses beautez laissé cheoir! O vrayment marastre Nature, Puis
qu'une telle fleur ne dure Que du matin jusques au soir! Donc, si vous me croyez, mignonne, Tandis que
vostre âge fleuronne En sa plus verte nouveauté, Cueillez, cueillez vostre jeunesse: Comme à ceste fleur la
vieillesse Fera ternir vostre beauté. 64 ii
OFONTAINE Bellerie, Belle fontaine cherie De nos Nymphes quand ton eau Les cache au creux de
ta source Fuyantes le Satyreau, Qui les pourchasse à la course Jusqu'au bord de ton ruisseau: Tu es la
Nymphe eternelle De ma terre paternelle: Pource
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