en ce pré verdelet Voy ton Poëte qui t'orne D'un petit chevreau de lait, A qui l'une et l'autre corne Sortent
de front nouvelet. L'Esté je dors ou repose Sus ton herbe, où je compose, Caché sous tes saules vers, Je ne
sçay quoy, qui ta gloire Envoira par l'univers, Commandant à la Memoire Que tu vives par mes vers. L'ardeur
de la Canicule Ton verd rivage ne brule, Tellement qu'en toutes pars Ton ombre est espaisse et druë Aux
pasteurs venans des parcs, Aux boeufs las de la charruë, Et au bestial espars. Iô, tu seras sans cesse Des
fontaines la princesse, Moy celebrant le conduit Du rocher percé, qui darde Avec un enroué bruit L'eau de ta
source jazarde Qui trepillante se suit.
65 iii
FAY refraischir mon vin de sorte Qu'il passe en froideur un glaçon: Fay venir Janne, qu'elle apporte Son
luth pour dire une chanson: Nous ballerons tous trois au son: Et dy à Barbe qu'elle vienne Les cheveux
tors à la façon D'une follastre Italienne. Ne vois tu que le jour se passe? Je ne vy point au lendemain: Page,
reverse dans ma tasse, Que ce grand verre soit tout plain. Maudit soit qui languit en vain: Ces vieux Medecins
je n'appreuve: Mon cerveau n'est jamais bien sain, Si beaucoup de vin ne l'abreuve. 66 iv
A la Forest de Gastine COUCHÉ sous tes ombrages vers, Gastine, je te chante Autant que les Grecs
par leurs vers La forest d'Erymanthe. Car malin, celer je ne puis A la race future De combien obligé je suis A
ta belle verdure: Toy, qui sous l'abry de tes bois Ravy d'esprit m'amuses: Toy, qui fais qu'à toutes les fois Me
respondent les Muses: Toy, par qui de ce mechant soin Tout franc je me delivre, Lors qu'en toy je me pers
bien loin, Parlant avec un livre. Tes bocages soient tousjours pleins D'amoureuses brigades De Satyres et
de Sylvains, La crainte des Naiades. En toy habite desormais Des Muses le college, Et ton bois ne sente
jamais La flame sacrilege.
67 v A
sa Maistresse
JEUNE beauté, mais trop outrecuidée Des presens de Venus, Quand tu verras ta peau toute ridée Et tes
cheveux chenus, Contre le temps et contre toy rebelle Diras en te tançant, Que ne pensoy-je alors que
j'estoy belle Ce que je vay pensant? Ou bien, pourquoy à mon desir pareille Ne suis-je maintenant? La beauté
semble à la rose vermeille Qui meurt incontinent. Voila les vers tragiques, et la plainte Qu'au ciel tu envoyras, Incontinent
que ta face dépainte Par le temps tu voirras. Tu sçais combien ardemment je t'adore Indocile à pitié, Et tu me
fuis, et tu ne veux encore Te joindre à ta moitié. O de Paphos, et de Cypre regente, Deesse aux noirs sourcis! Plustost
encor que le temps, sois vengente Mes desdaignez soucis, Et du brandon dont les coeurs tu enflames Des
jumens tout autour, Brusle-la moy, à fin que de ses flames Je me rie à mon tour.
68 vi De l'Election de son sepulchre ANTRES, et vous fontaines De ces roches hautaines Qui tombez
contre-bas D'un glissant pas: Et vous forests et ondes Par ces prez vagabondes, Et vous rives et bois, Oyez
ma voix. Quand le ciel et mon heure Jugeront que je meure, Ravy du beau sejour Du commun jour, Je
defens qu'on ne rompe Le marbre pour la pompe De vouloir mon tombeau Bastir plus beau: Mais bien je
veux qu'un arbre M'ombrage en lieu d'un marbre, Arbre qui soit couvert Tousjours de vert. De moy puisse la terre Engendrer un lierre, M'embrassant en maint tour Tout à l'entour: Et la vigne tortisse Mon
sepulcre embellisse, Faisant de toutes pars Un ombre espars. Là viendront chaque année A ma feste ordonnée Avecques
leurs troupeaux Les pastoureaux: Puis ayant fait l'office De leur beau sacrifice, Parlans à l'isle ainsi Diront
ceci: Que tu es renommée D'estre tombeau nommée D'un, de qui l'univers Chante les vers! Et qui onq en sa
vie Ne fut bruslé d'envie, Mendiant les honneurs Des grands Seigneurs! Ny ne r'apprist l'usage De l'amoureux
breuvage Ny l'art des anciens Magiciens! Mais bien à noz campagnes Fist voir les Soeurs campagnes Foulantes
l'herbe aux sons De ses chansons. Car il fist à sa lyre Si bons accords eslire Qu'il orna de ses chants Nous
et noz champs. La douce manne tombe A jamais sur sa tumbe, Et l'humeur que produit En May la nuit. Tout à
l'entour l'emmure L'herbe et l'eau qui murmure, L'un tousjours verdoyant, L'autre ondoyant. Et nous ayans
memoire Du renom de sa gloire Luy ferons comme à Pan Honneur chaque an. Ainsi dira la troupe, Versant
de mainte coupe Le sang d'un agnelet Avec du laict Desur moy, qui à l'heure Seray par la demeure Où les
heureux espris Ont leur pourpris. La gresle ne la neige N'ont tels lieux pour leur siège, Ne la foudre oncque
là Ne devala: Mais bien constante y dure L'immortelle verdure, Et constant en tout temps Le beau Printemps. Le
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By PanEris
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