soin qui sollicite Les Rois, ne les incite Le monde ruiner Pour dominer: Ains comme freres vivent, Et morts
encore suivent Les mestiers qu'ils avoien Quand ils vivoient. Là là j'oiray d'Alcée La lyre courroucée, Et Sapphon
qui sur tous Sonne plus dous. Combien ceux qui entendent Les chansons qu'ils respandent Se doivent
resjouir De les ouir! Quand la peine receuë Du rocher est deceuë, Et quand le vieil Tantal N'endure mal! La
seule lyre douce L'ennuy des coeurs repousse, Et va l'esprit flatant De l'escoutant.
69 vii
BEL Aubepin fleurissant, Verdissant Le long de ce beau rivage, Tu es vestu jusqu'au bas Des longs
bras D'une lambrunche sauvage Deux camps de rouges fourmis Se sont mis En garnison sous ta souche: Dans
les pertuis de ton tronc Tout du long Les avettes ont leur couche. Le chantre Rossignolet Nouvelet, Courtisant
sa bien-aimée, Pour ses amours alleger Vient loger Tous les ans en ta ramée. Sur ta cime il fait son ny Tout
uny De mousse et de fine soye, Où ses petits esclorront, Qui seront De mes mains la douce proye. Or vy,
gentil Aubepin, Vy sans fin, Vy sans que jamais tonnerre, Ou la coignée, ou les vents, Ou les temps Te puissent
ruer par terre.
70 viii VERSON ces roses pres ce vin, Pres de ce vin verson ces roses, Et boivon l'un à l'autre, à fin Qu'au
coeur nos tristesses encloses Prennent en boivant quelque fin. La belle Rose du Printemps, Aubert, admonneste
les hommes Passer joyeusement le temps, Et pendant que jeunes nous sommes, Esbatre la fleur de nos
ans. Tout ainsi qu'elle defleurit Fanie en une matinée, Ainsi nostre âge se flestrit. Las! et en moins d'une journée Le
printemps d'un homme perit. Ne veis-tu pas hier Brinon Parlant et faisant bonne chere, Qui las! aujourd'huy
n'est sinon Qu'un peu de poudre en une biere, Qui de lui n'a rien que le nom? Nul ne desrobe son trespas, Caron
serre tout en sa nasse, Rois et pauvres tombent là bas: Mais ce-pendant le temps se passe, Rose, et je
ne te chante pas. La Rose est l'honneur d'un pourpris, La Rose est des fleurs la plus belle, Et dessus
toutes a le pris: C'est pour cela que je l'appelle La violette de Cypris. La Rose est le bouquet d'Amour, La
Rose est le jeu des Charites, La Rose blanchit tout au tour Au matin de perles petites Qu'elle emprunte
du poinct du jour. La Rose est le parfum des Dieux, La Rose est l'honneur des pucelles, Qui leur sein
beaucoup aiment mieux Enrichir de Roses nouvelles, Que d'un or tant soit precieux. Est-il rien sans elle
de beau? La Rose embellit toutes choses, Venus de Roses a la peau. Et l'Aurore a les doigts de Roses, Et
le front le Soleil nouveau. Les Nymphes de Rose ont le sein, Les coudes, les flancs et les hanches: Hebé
de Roses a la main, Et les Charites, tant soient blanches, Ont le front de Roses tout plein. Que le mien
en soit couronné, Ce m'est un Laurier de victoire: Sus, appellons le deux-fois-né, Le bon pere, et le faison
boire, De ces Roses environné. Bacchus, espris de la beauté Des Roses aux feuilles vermeilles, Sans elles
n'a jamais esté, Quand en chemise sous les treilles Il boit au plus chaud de l'Esté.
71 L'Alouette HÉ Dieu, que je porte d'envie Aux felicitez de ta vie, Alouette, qui de l'amour Caquettes dés le
poinct du jour, Secouant la douce rosée En l'air, dont tu es arrosée. Davant que Phebus soit levé Tu enleves
ton corps lavé Pour l'essuyer pres de la nue, Tremoussant d'une aile menue: Et te sourdant à petits bons, Tu
dis en l'air de si doux sons Composez de ta tirelire, Qu'il n'est amant qui ne desire Comme toy devenir oyseau, Pour desgoiser un
chant si beau: Puis quand tu es bien eslevée, Tu tombes comme une fusée Qu'une jeune pucelle au soir De
sa quenouille laisse choir, Quand au fouyer elle sommeille, Frappant son sein de son oreille: Ou bien quand
en filant le jour Voit celui qui luy fait l'amour Venir pres d'elle à l'impourveue, De honte elle abaisse la veue, Et
son tors fuseau delié Loin de sa main roule à son pié. Ainsi tu roules, Alouette, Ma doucelette mignonnette, Qui
plus qu'un rossignol me plais Chantant par un taillis espais. Tu vis sans offenser personne, Ton bec innocent
ne moissonne Le froment, comme ces oyseaux Qui font aux hommes mille maux, Soit que le bled rongent
en herbe, Ou soit qu'ils l'egrenent en gerbe: Mais tu vis par les sillons verds, De petits fourmis et de vers: Ou
d'une mouche, ou d'une achée Tu portes aux tiens la bechée, Ou d'une chenille qui sort Des fueilles, quand
l'Hyver est mort. A tort les mensongers Poëtes
Vous accusent vous alouettes D'avoir vostre pere haï Jadis jusqu'à l'avoir trahi, Coupant de sa teste Royale La
blonde perruque fatale, Dans laquelle un crin d'or portoit En qui toute sa force estoit. Mais quoy! vous
n'estes pas seulettes A qui les mensongers Poëtes Ont fait grand tort: dedans le bois Le Rossignol à haute
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