yeux
Qui n'estoient pas chassieux,
Sa longue oreille velue
D'une soyë crespelue,
Sa queue au petit floquet,
Semblant un petit bouquet,
Sa gembe gresle, et sa patte
Plus mignarde qu'une chattons,
Avec ses petits chattons,
Ses quatre petits tetons,
Ses dentelettes d'ivoyre,
Et la barbelette noyre
De son musequin friand:
Bref, tout son maintien riand
Des pieds jusques à la teste,
Digne d'une telle beste,
Meritoient qu'un chien si beau
Eust un plus riche tumbeau.
  Son exercice ordinaire
Estoit de japper et braire,
Courir en hault et en bas,
Et faire cent mille esbas,
Tous estranges et farouches,
Et n'avoit guerre qu'aux mousches,
Qui luy faisoient maint torment.
Mais Peloton dextrement
Leur rendoit bien la pareille:
Car se couchant sur l'oreille,
Finement il aguignoit
Quand quelqu'une le poingnoit:
Lors d'une habile soupplesse
Happant la mouche traistresse,
La serroit bien fort dedans,
Faisant accorder ses dens
Au tintin de sa sonnette
Comme un clavier d'espinette.
  Peloton ne caressoit
Sinon ceulx qu'il cognoissoit,
Et n'eust pas voulu repaistre
D'autre main que de son maistre,
Qu'il alloit tousjours suyvant:
Quelquefois marchoit devant,
Faisant ne sçay quelle feste
D'un gay branlement de teste.
  Peloton tousjours veilloit
Quand son maistre sommeilloit,
Et ne souilloit point sa couche
Du ventre ny de la bouche,
Car sans cesse il gratignoit
Quand ce desir le poingnoit:
Tant fut la petite beste
En toutes choses honneste.
  Le plus grand mal, ce dict-on.
Que feist nostre Peloton,
(Si mal appellé doit estre)
C'estoit d'esveiller son maistre,
Jappant quelquefois la nuict,
Quand il sentoit quelque bruit,
Ou bien le voyant escrire,
Sauter, pour le faire rire,
Sur la table, et trepigner,
Follastrer, et gratigner,
Et faire tumber sa plume,
Comme il avoit de coustume.
Mais quoy? nature ne faict
En ce monde rien parfaict:
Et n'y a chose si belle,
Qui n'ait quelque vice en elle.
  Peloton ne mangeoit pas
De la chair à son repas:
Ses viandes plus prisées
C'estoient miettes brisées
Que celuy qui le paissoit
De ses doigts amollissoit:
Aussi sa bouche estoit pleine
Tousjours d'une doulce haleine.
  Mon-dieu, quel plaisir c'estoit
Quand Peloton se grattoit,
Faisant tinter sa sonnette
Avec sa teste folette!
Quel plaisir, quand Peloton
Cheminoit sur un baston,
Ou coifé d'un petit linge,
Assis comme un petit singe,
Se tenoit mignardelet
D'un maintien damoiselet!
  Ou sur les pieds de derriere
Portant la pique guerriere
Marchoit d'un front asseuré,
Avec un pas mesuré:
Ou couché dessus l'eschine,
Avec ne sçay quelle mine
Il contrefaisoit le mort!
Ou quand il couroit si fort,
Il tournoit comme une boule,
Ou un peloton, qui roule!
  Bref, le petit Peloton
Sembloit un petit mouton:
Et ne feut onc creature
De si benigne nature.
  Las, mais ce doulx passetemps
Ne nous dura pas longtemps:
Car la mort ayant envie
Sur l'ayse de nostre vie,
Envoya devers Pluton
Nostre petit Peloton,
Qui maintenant se pourmeine
Parmi ceste umbreuse plaine,
Dont nul ne revient vers nous.
Que mauldictes soyez-vous,
Filandieres de la vie,
D'avoir ainsi par envie
Envoyé devers Pluton
Nostre petit Peloton:
Peloton qui estoit digne
D'estre au ciel un nouveau signe,
Temperant le Chien cruel
D'un printemps perpetuel.

[See Notes]


Antiquitez de Rome

89   i DIVINS Esprits, dont la poudreuse cendre
Gist sous le fais de tant de murs couvers,
Non vostre loz, qui vif par voz beaux vers
Ne se verra sous la terre descendre,
Si des humains la voix se peult estendre
Depuis icy jusqu'au fond des enfers,
Soient à mon cry les abysmes ouvers,
Tant que d'abas vous me puissiez entendre.
Trois fois cernant sous le voile des cieux
De voz tumbeaux le tour devotieux,
A haulte voix trois fois je vous appelle:
J'invoque icy vostre antique fureur,
En ce pendant que d'une saincte horreur
Je vays chantant vostre gloire plus belle.

90   ii LE Babylonien ses haults murs vantera,
Et ses vergers en l'air, de son Ephesienne
La Grece descrira la fabrique ancienne,
Et le peuple du Nil ses pointes chantera:
La mesme Grece encor vanteuse publira
De son grand Juppiter l'image Olympienne,
Le Mausole sera la gloire Carienne,
Et son vieux Labyrinth' la Crete n'oublira.
L'antique Rhodien elevera la gloire
De son fameux Colosse, au temple de Memoire:
Et si quelque oeuvre encor digne se peult vanter
De marcher en ce ranc, quelque plus grand' faconde
Le dira: quant à moy, pour tous je veulx chanter
Les sept costeaux Romains, sept miracles du mondé.

91   iii NOUVEAU venu, qui cherches Rome en Rome,
Et rien de Rome en Rome n'apperçois,
Ces vieux palais, ces vieux arcz que tu vois,
Et ces vieux murs, c'est ce que Rome on nomme.

Voy quel orgueil, quelle ruine: et comme
Celle qui mist le monde sous ses loix,
Pour donter tout, se donta quelquefois,
Et devint proye au temps, qui tout consomme.


  By PanEris using Melati.

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