108 MON Castin, quand j'aperçois
Ces grands arbres dans ces bois
Dépouillés de leur parure,
Je rêvasse à la
verdure
Qui ne dure que six mois. Puis, je pense à nostre vie
Si malement asservie,
Qu'el' n'a presque le loisir
De choisir quelque plaisir,
Qu'elle
ne nous soit ravie.
Nous semblons à l'arbre verd
Qui demeure, un temps, couvert
De mainte feuille naïve,
Puis, dès que l'hiver
arrive,
Toutes ses feuilles il perd.
Ce pendant que la jeunesse
Nous repand de sa richesse,
Tousjours gais, nous florissons;
Mais soudain
nous flétrissons,
Assaillis de la vieillesse.
Car ce vieil faucheur, le Tems,
Qui devore ses enfans,
Ayant ailé nos années,
Les fait voler empennées,
Plus
tost que les mesmes vents.
Doncques, tandis que nous sommes,
Mon Castin, entre les hommes,
N'ayons que notre aise cher,
Sans
aller là haut chercher
Tant de feux et tant d'atomes.
Quelque fois il faut mourir,
Et si quelqu'un peut guerir
Quelque fois de quelque peine,
Enfin son attente
vaine
Ne sait plus où recourir.
L'esperance est trop mauvaise,
Allons doncques sous la braise
Cacher ces marons si beaux,
Et de ces
bons vins nouveaux
Appaisons notre mésaise.
Aisant ainsi notre coeur,
Le petit archer vainqueur
Nous viendra dans la memoire;
Car, sans le manger et
boire,
Son trait n'a point de vigueur.
Puis, avecq' nos nymphes gayes,
Nous irons guerir les playes
Qu'il nous fit dedans le flanc,
Lorsqu'au bord
de cet estang
Nous dansions en ces saulayes.