rien qui de ma main eschape?
Plus fort se pense et plus tot je le frape.
De me blamer quelque fois tu
n'as honte,
En te fiant en Mars, dont tu fais conte:
Mais meintenant, voy si pour persister
En le suivant me
pourras resister.'
Ainsi parloit, et tout eschaufé d'ire
Hors de sa trousse une sagette il tire,
Et decochant de
son extreme force,
Droit la tira contre ma tendre escorce:
Foible harnois, pour bien couvrir le coeur
Contre l'Archer qui tousjours est vainqueur.
La bresche faite, entre Amour en la place,
Dont le repos premierement
il chasse:
Et de travail qui me donne sans cesse,
Boire, manger, et dormir ne me laisse.
Il ne me chaut de
soleil ne d'ombrage:
Je n'ay qu'Amour et feu en mon courage,
Qui me desguise, et fait autre paroitre,
Tant
que ne peu moymesme me connoitre.
Je n'avois vu encore seize hivers,
Lors que j'entray en ces ennuis
divers;
Et jà voici le treizième esté
Que mon coeur fut par amour arresté.
Le tems met fin aus hautes Pyramides,
Le
tems met fin aus fonteines humides;
Il ne pardonne aus braves Colisées,
Il met à fiu les viles plus prisées,
Finir
aussi il ha acoutumé
Le feu d'Amour tant soit-il allumé:
Mais, las! en moy il semble qu'il augmente
Avec le
tems, et que plus me tourmente.
Paris ayma CEnone ardamment,
Mais son amour ne dura longuement,
Medée
fut aymée de Jason,
Qui tot apres la mit hors sa maison.
Si meritoient-elles estre estimées,
Et pour aymer
leurs amis, estre aymées.
S'estant aymé on peut Amour laisser,
N'est-il raison, ne l'estant, se lasser?
N'est-il
raison te prier de permettre,
Amour, que puisse à mes tourmens fin mettre?
Ne permets point que de Mort
face espreuve,
Et plus que toy pitoyable la treuve:
Mais si tu veus que j'ayme jusqu'au bout,
Fay que celui que j'estime mon tout,
Qui seul me peut faire
plorer et rire,
Et pour lequel si souvent je soupire,
Sente en ses os, en son sang, en son ame,
Ou plus
ardente, ou bien egale flame.
Alors ton faix plus aisé me sera,
Quand avec moy quelcun le portera.