Que de plaisir de voir sous la nuict brune,
Quand le soleil a fait place à la lune,
Au fond des bois les nymphes
s'assembler,
Monstrer au vent leur gorge découverte,
Danser, sauter, se donner cotte-verte,
Et sous leur
pas tout l'herbage trembler.
Le bal finy, je dresse en haut la veuë
Pour voir le teint de la lune cornuë,
Claire, argentée, et me mets à penser
Au
sort heureux du pasteur de Latmie:
Lors je souhaite une aussi belle amie,
Mais je voudrois, en veillant,
l'embrasser.
Ainsi, la nuict, je contente mon ame,
Puis, quand Phebus de ses rays nous enflame,
J'essaye encor mille
autres jeux nouveaux:
Diversement mes plaisirs j'entrelasse,
Ores je pesche, or' je vay à la chasse,
Et or' je
dresse embuscade aux oyseaux.
Je fay l'amour, mais c'est de telle sorte
Que seulement du plaisir j'en rapporte,
N'engageant point ma
chere liberté:
Et quelques laqs que ce dieu puisse faire
Pour m'attraper, quand je m'en veux distraire,
J'ay
le pouvoir comme la volonté.
Douces brebis, mes fidelles compagnes,
Hayes, buissons, forests, prez et montagnes,
Soyez témoins de
mon contentement:
Et vous, ô dieux! faites, je vous supplie,
Que, cependant que durera ma vie,
Je ne
connoisse un autre changement.