(Inscription pour une statue de l'Amour)
QUI que tu sois, voici ton maître; Il l'est, le fut, ou le doit être.
186 iv (Épitaphe)
Ci-gît dont la suprême loi Fut de ne vivre que pour soi. Passant, garde-toi de le suivre; Car on
pourrait dire de toi: `Ci-gît qui ne dut jamais vivre.'
187 v Savez-vous pourquoi Jérémie A tant pleuré pendant sa vie? C'est qu'en prophète il prévoyait Qu'un jour Lefranc
le traduirait.
188 vi (Sur le portrait de Voltaire mis entre ceux de La Beaumelle et de Fréron)
LE JAY vient de mettre Voltaire Entre
La Beaumelle et Fréron: Ce serait vraiment un Calvaire, S'il s'y trouvait un bon larron.
189 vii (A M. Grétry sur son opéra du `Jugement de Midas')
LA Cour a dénigré tes chants, Dont Paris a dit des merveilles. Hélas!
les oreilles des grands Sont souvent de grandes oreilles.
190 viii L'autre jour, au fond d'un vallon, Un serpent piqua Jean Fréron. Que pensez-vous qu'il arriva? Ce fut le
serpent qui creva.
191 A Marmontel MON très aimable successeur, De la France historiographe, Votre indigne prédécesseur Attend de vous une épitaphe. Au
bout de quatre-vingts hivers Dans mon obscurité profonde, Enseveli dans mes déserts, Je me
tiens déjà mort au monde. Mais sur le point d'être jeté Au fond de la nuit éternelle, Comme tant d'autres l'ont été, Tout
ce que je vois me rappelle A ce monde que j'ai quitté. Si vers le soir un triste orage Vient ternir l'éclat
d'un beau jour, Je me souviens qu'à votre cour Le vent change encor davantage. Si mes paons de leur
beau plumage Me font admirer les couleurs, Je crois voir nos jeunes seigneurs Avec leur brillant étalage; Et
mes coqs d'Inde sont l'image De leurs pesants imitateurs. Puis-je voir mes troupeaux bêlants Qu'un loup
impunément dévore, Sans songer à des conquérants Qui sont beaucoup plus loups encore; Lorsque les chantres
du printemps Réjouissent de leurs accents Mes jardins et mon toit rustique, Lorsque mes sens en sont
ravis,
On me soutient que leur musique Cède aux bémols des Monsignis Qu'on chante à l'Opéra-Comique. Je lis cet éloge
éloquent Que Thomas a fait savamment, Des dames de Rome et d'Athène; On me dit: `Partez promptement. Venez
sur les bords de la Seine, Et vous en direz tout autant Avec moins d'esprit et de peine.' Ainsi, du monde
détrompé, Tout m'en parle, tout m'y ramène; Serais-je un esclave échappé Qui tient encore un bout de chaîne? Non,
je ne suis point faible assez Pour regretter des jours stériles, Perdus bien plutôt que passés Parmi tant d'erreurs
inutiles. Adieu, faites de jolis riens, Vous, encor dans l'âge de plaire, Chantez Alonzo, Bélisaire. Nos solides
historiens Sont des auteurs bien respectables; Mais à vos chers concitoyens Que faut-il, mon ami? des
fables.
192 A Horace J'AI déjà passé l'âge où ton grand protecteur, Ayant joué son rôle en excellent acteur, Et sentant que la Mort assiégeait
sa vieillesse, Voulut qu'on l'applaudît lorsqu'il finit sa piéce. J'ai vécu plus que toi; mes vers dureront moins;
Mais au bord du tombeau je mettrai tous mes soins A suivre les leçons de ta philosophie, A mépriser la
mort en savourant la vie, A lire tes écrits pleins de grâce et de sens, Comme on boit d'un vin vieux qui rajeunit
les sens.
Avec toi l'on apprend à souffrir l'indigence, A jouir sagement d'une honnête opulence, A vivre avec soi-même, à
servir ses amis, A se moquer un peu de ses sots ennemis, A sortir d'une vie ou triste ou fortunée En rendant
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By PanEris
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