remords
    Ni mon sommeil ne sont en proie.
Ma bienvenue au jour me rit dans tous les yeux;
Sur des fronts abattus, mon aspect dans ces lieux
    Ranime presque de la joie.

`Mon beau voyage encore est si loin de sa fin!
Je pars, et des ormeaux qui bordent le chemin
    J'ai passé les premiers à peine.
Au banquet de la vie à peine commencé,
Un instant seulement mes lèvres ont pressé
    La coupe en mes mains encor pleine.

`Je ne suis qu'au printemps, je veux voir la moisson;
Et comme le soleil, de saison en saison,
    Je veux achever mon année.
Brillante sur ma tige et l'honneur du jardin,
Je n'ai vu luire encor que les feux du matin,
    Je veux achever ma journée.

`O mort! tu peux attendre; éloigne, éloigne-toi;
Va consoler les coeurs que la honte, l'effroi,
    Le pâle désespoir dévore.
Pour moi Palès encore a des asiles verts,
Les Amours des baisers, les Muses des concerts,
    Je ne veux point mourir encore.'

Ainsi, triste et captif, ma lyre toutefois
S'éveillait, écoutant ces plaintes, cette voix.
    Ces voeux d'une jeune captive;
Et secouant le faix de mes jours languissants,
Aux douces lois des vers je pliai les accents
    De sa bouche aimable et naïve.

Ces chants, de ma prison témoins harmonieux,
Feront à quelque amant des loisirs studieux
    Chercher quelle fut cette belle:
La grâce décorait son front et ses discours,
Et, comme elle, craindront de voir finir leurs jours
    Ceux qui les passeront près d'elle.


213   Saint-Lazare COMME un dernier rayon, comme un dernier zéphyre,
    Animent la fin d'un beau jour,
Au pied de l'échafaud j'essaye encor ma lyre;
    Peut-être est-ce bientôt mon tour;
Peut-être, avant que l'heure en cercle promenée
    Ait posé sur l'émail brillant,
Dans les soixante pas où sa route est bornée,
    Son pied sonore et vigilant,
Le sommeil du tombeau pressera ma paupière!
    Avant que de ses deux moitiés
Ce vers que je commence ait atteint la dernière,
    Peut-être en ces murs effrayés
Le messager de mort, noir recruteur des ombres,
    Escorté d'infâmes soldats,
Remplissant de mon nom ces longs corridors sombres,
    Où, seul, dans la foule à grands pas
J'erre, aiguisant ces dards persécuteurs du crime,
    Du juste trop faibles soutiens,
Sur mes lèvres soudain va suspendre la rime;
    Et, chargeant mes bras de liens,
Me traîner, amassant en foule à mon passage
    Mes tristes compagnons reclus,
Qui me connaissaient tous avant l'affreux message,
    Mais qui ne me connaissent plus.

Eh bien! j'ai trop vécu. Quelle franchise auguste,
    De mâle constance et d'honneur
Quels exemples sacrés, doux à l'âme du juste,
    Pour lui quelle ombre de bonheur,
Quelle Thémis terrible aux têtes criminelles,
    Quels pleurs d'une noble pitié,
Des antiques bienfaits quels souvenirs fidèles,
    Quels beaux échanges d'amitié,
Font digne de regrets l'habitacle des hommes?
    La Peur blême et louche est leur dieu.
Le désespoir! ... la feinte! Ah! lâches que nous sommes,
    Tous, oui, tous. Adieu, terre, adieu.
Vienne, vienne la mort! Que la mort me délivre!
    Ainsi donc, mon coeur abattu
Cède au poids de ses maux? Non, non, puissé-je vivre!
    Ma vie importe à la vertu:
Car l'honnête homme enfin, victime de l'outrage,
    Dans les cachots, près du cercueil,
Relève plus altiers son front et son langage
    Brillants d'un généreux orgueil.
S'il est écrit aux cieux que jamais une épée
    N'étincellera dans mes mains,
Dans l'encre et l'amertume une autre arme trempée
    Peut encor servir les humains.
Justice, vérité, si ma bouche sincére,
    Si mes pensers les plus secrets
Ne froncérent jamais votre sourcil sévère,
    Et si les infâmes progrès,
Si la risée atroce ou (plus atroce injure!)
    L'encens de hideux scélérats
Ont pénétré vos coeurs d'une longue blessure,
    Sauvez-moi; conservez un bras

Qui lance votre foudre, un amant qui vous venge.
    Mourir sans vider mon carquois!
Sans percer, sans fouler, sans pétrir dans leur fange
    Ces bourreaux barbouilleurs de lois,
Ces vers cadavéreux de la France asservie,
    Égorgée! ... O mon cher trésor,
O ma plume! Fiel, bile, horreur, dieux de ma vie!
    Par vous seuls je respire encor,
Comme la poix brûlante agitée en ses veines
    Ressuscite un flambeau mourant.
Je souffre, mais je vis. Par vous, loin de mes peines,
    D'espérance un vaste torrent
Me transporte. Sans vous, comme un poison livide,
    L'invincible dent du chagrin,
Mes amis opprimés, du menteur homicide
    Les succès, le sceptre d'airain,
Des bons proscrits par lui la mort ou la ruine,
    L'opprobre de subir sa loi,
Tout eût tari ma vie, ou contre ma poitrine
    Dirigé mon poignard. Mais quoi?
Nul ne resterait donc pour attendrir l'histoire
    Sur tant


  By PanEris using Melati.

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