De son pieux espoir son front gardait la trace,
Et sur ses traits, frappés d'une auguste beauté,
La douleur
fugitive avait empreint sa grâce,
La mort sa majesté.
Le vent qui caressait sa tête échevelée
Me montrait tour à tour ou me voilait ses traits,
Comme l'on voit flotter
sur un blanc mausolée
L'ombre des noirs cyprès.
Un de ses bras pendait de la funèbre couche;
L'autre, languissamment replié sur son coeur,
Semblait chercher
encore et presser sur sa bouche
L'image du Sauveur.
Ses lèvres s'entr'ouvraient pour l'embrasser encore;
Mais son âme avait fui dans ce divin baiser,
Comme un
léger parfum que la flamme dévore
Avant de l'embraser.
Maintenant tout dormait sur sa bouche glacée,
Le souffle se taisait dans son sein endormi,
Et sur l'oeil
sans regard la paupière affaissée
Retombait à demi.
Et moi, debout, saisi d'une terreur secrète,
Je n'osais m'approcher de ce reste adoré,
Comme si du trépas la
majesté muette
L'eût déjà consacré.
Je n'osais! ... Mais le prêtre entendit mon silence,
Et, de ses doigts glacés prenant le crucifix:
`Voilà le souvenir,
et voilà l'espérance:
Emportez-les, mon fils!'
Oui, tu me resteras, ô funèbre héritage!
Sept fois, depuis ce jour, l'arbre que j'ai planté
Sur sa tombe sans
nom a changé de feuillage:
Tu ne m'as pas quitté.
Placé près de ce coeur, hélas! où tout s'efface,
Tu l'as contre le temps défendu de l'oubli,
Et mes yeux goutte à
goutte ont imprimé leur trace
Sur l'ivoire amolli.
O dernier confident de l'âme qui s'envole,
Viens, reste sur mon coeur! parle encore, et dis-moi
Ce qu'elle
te disait quand sa faible parole
N'arrivait plus qu'à toi;
A cette heure douteuse où l'âme recueillie,
Se cachant sous le voile épaissi sur nos yeux,
Hors de nos sens
glacés pas à pas se replie,
Sourde aux derniers adieux;
Alors qu'entre la vie et la mort incertaine,
Comme un fruit par son poids détaché du rameau,
Notre âme est
suspendue et tremble à chaque haleine
Sur la nuit du tombeau;
Quand des chants, des sanglots la confuse harmonie
N'éveille déjà plus notre esprit endormi,
Aux lèvres du
mourant collé dans l'agonie,
Comme un dernier ami;
Pour éclaircir l'horreur de cet étroit passage,
Pour relever vers Dieu son regard abattu,
Divin consolateur,
dont nous baisons l'image,
Réponds, que lui dis-tu?
Tu sais, tu sais mourir! et tes larmes divines,
Dans cette nuit terrible où tu prias en vain,
De l'olivier sacré
baignèrent les racines
Du soir jusqu'au matin.
De la croix, où ton oeil sonda ce grand mystère,
Tu vis ta mère en pleurs et la nature en deuil;
Tu laissas
comme nous tes amis sur la terre,
Et ton corps au cercueil!
Au nom de cette mort, que ma faiblesse obtienne
De rendre sur ton sein ce douloureux soupir:
Quand
mon heure viendra, souviens-toi de la tienne,
O toi qui sais mourir!
Je chercherai la place où sa bouche expirante
Exhala sur tes pieds l'irrévocable adieu,
Et son âme viendra
guider mon âme errante
Au sein du même Dieu.
Ah! puisse, puisse alors sur ma funèbre couche,
Triste et calme à la fois, comme un ange éploré,
Une figure
en deuil recueillir sur ma bouche
L'héritage sacré!