III Puis
ces bruits d'année en année Baissèrent d'une vie, hélas! et d'une voix; Une fenêtre en deuil, à l'ombre
condamnée, Se ferma sous le bord des toits. Printemps après printemps, de belles fiancées Suivirent de chers
ravisseurs, Et par la mère en pleurs sur le seuil embrassées, Partirent en baisant leurs soeurs. Puis sortit un matin pour le champ où l'on pleure Le cercueil tardif de l'aïeul, Puis un autre, et puis deux; et
puis dans la demeure Un vieillard morne resta seul!
Puis la maison glissa sur la pente rapide Où le temps entasse les jours; Puis la porte à jamais se ferma sur
le vide, Et l'ortie envahit les cours! ...
IV
Ö
famille! ô mystère! ô coeur de la nature, Où l'amour dilaté dans toute créature Se resserre en foyer pour couver
des berceaux! Goutte de sang puisée à l'artère du monde, Qui court de coeur en coeur toujours chaude et
féconde, Et qui se ramifie en éternels ruisseaux! Chaleur du sein de mère où Dieu nous fit éclore, Qui du duvet natal nous enveloppe encore Quand le vent
d'hiver siffle à la place des lits; Arrière-goût du lait dont la femme nous sèvre, Qui, même en tarissant, nous
embaume la lèvre; Étreinte de deux bras par l'amour amollis!
Premier rayon du ciel vu dans des yeux de femmes, Premier foyer d'une âme où s'allument nos âmes, Premiers
bruits de baisers au coeur retentissants! Adieux, retours, départs pour de lointaines rives, Mémoire qui revient
pendant les nuits pensives A ce foyer des coeurs, univers des absents!
Ah! que tout fils dise anathème A l'insensé qui vous blasphème! Rêveur du groupe universel, Qu'il embrasse,
au lieu de sa mère, Sa froide et stoïque chimère Qui n'a ni coeur, ni lait, ni sel! Du foyer proscrit volontaire, Qu'il cherche en vain sur cette terre Un père au visage attendri; Que tout foyer
lui soit de glace, Et qu'il change à jamais de place Sans qu'aucun lieu lui jette un cri!
Envieux du champ de famille, Que, pareil au frelon qui pille L'humble ruche adossée au mur, Il maudisse la
loi divine Qui donne un sol à la racine Pour multiplier le fruit mûr!
Que sur l'herbe des cimetières Il foule, indifférent, les pierres Sans savoir laquelle prier! Qu'il réponde au nom
qui le nomme Sans savoir s'il est né d'un homme, Ou s'il est fils d'un meurtrier! ...
VDieu! qui révèle aux coeurs mieux qu'à l'intelligence! Resserre autour de nous, faits de joie et de pleurs, Ces
groupes rétrécis où de ta providence Dans la chaleur du sang nous sentons les chaleurs;
Où, sous la porte bien close, La jeune nichée éclose Des saintetés de l'amour Passe du lait de la mère Au pain
savoureux qu'un père Pétrit des sueurs du jour; Où ces beaux fronts de famille, Penchés sur l'âtre et l'aiguille, Prolongent leurs soirs pieux: O soirs! ô douces
veillées Dont les images mouillées Flottent dans l'eau de nos yeux!
Oui, je vous revois tous, et toutes, âmes mortes! O chers essaims groupés aux fenêtres, aux portes! Les
bras tendus vers vous, je crois vous ressaisir, Comme on croit dans les eaux embrasser des visages Dont
le miroir trompeur réfléchit les images, Mais glace le baiser aux lèvres du désir. Toi qui fis la mémoire, est-ce pour qu'on oublie? ... Non, c'est pour rendre au temps à la fin tous ses jours, Pour
faire confluer, là-bas, en un seul cours, Le passé, l'avenir, ces deux moitiés de vie Dont l'une dit jamais et
l'autre dit toujours. Ce passé, doux Éden dont notre âme est sortie, De notre éternité ne fait-il pas partie? Où le
|
|
By PanEris
using Melati.
|
|
|
|
Copyright: All texts on Bibliomania are © Bibliomania.com Ltd,
and may not be reproduced in any form without our written permission.
See our FAQ for more details.
|
|