la belle et sombre veuve Ne l'eût pas laissé seul subir la grande épreuve; Mais son devoir était de les sauver,
afin De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim, A ne jamais entrer dans le pacte des villes Que l'homme
a fait avec les animaux serviles Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher, Les premiers possesseurs
du bois et du rocher.
IIIHélas! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes, Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes! Comment
on doit quitter la vie et tous ses maux, C'est vous qui le savez, sublimes animaux! A voir ce que l'on fut
sur terre et ce qu'on laisse, Seul le silence est grand; tout le reste est faiblesse. -- Ah! je t'ai bien compris,
sauvage voyageur, Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur! Il disait: `Si tu peux, fais que ton âme
arrive, A force de rester studieuse et pensive, Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté Où, naissant dans les
bois, j'ai tout d'abord monté. Gémir, pleurer, prier, est également lâche. Fais énergiquement ta longue et lourde
tâche Dans la voie où le sort a voulu t'appeler, Puis, après, comme moi, souffre et meurs sans parler.'
234 La Bouteille à la MerICOURAGE, ô faible enfant de qui ma solitude Reçoit ces chants plaintifs, sans nom, que vous jetez Sous
mes yeux ombragés du camail de l'étude, Oubliez les enfants par la mort arrêtés; Oubliez Chatterton, Gilbert
et Malfilâtre; De l'oeuvre d'avenir saintement idolâtre, Enfin, oubliez l'homme en vous-même. -- Écoutez:
IIQuand un grave marin voit que le vent l'emporte Et que les mâts brisés pendent tous sur le pont, Que dans
son grand duel la mer est la plus forte Et que par des calculs l'esprit en vain répond; Que le courant l'écrase
et le roule en sa course, Qu'il est sans gouvernail, et, partant, sans ressource, Il se croise les bras dans
un calme profond.
IIIIl voit les masses d'eau, les toise et les mesure, Les méprise en sachant qu'il en est écrasé, Soumet son âme
au poids de la matière impure Et se sent mort ainsi que son vaisseau rasé. -- A de certains moments, l'âme
est sans résistance; Mais le penseur s'isole et n'attend d'assistance Que de la forte foi dont il est embrasé.
IVDans les heures du soir, le jeune Capitaine A fait ce qu'il a pu pour le salut des siens. Nul vaisseau n'apparaît
sur la vague lointaine, La nuit tombe, et le brick court aux rocs indiens. -- Il se résigne, il prie; il se recueille,
il pense A celui qui soutient les pôles et balance L'équateur hérissé des longs méridiens.
VSon sacrifice est fait; mais il faut que la terre Recueille du travail le pieux monument. C'est le journal savant,
le calcul solitaire, Plus rare que la perle et que le diamant; C'est la carte des flots faite dans la tempête, La
carte de l'écueil qui va briser sa tête: Aux voyageurs futurs sublime testament.
VIIl écrit: `Aujourd'hui, le courant nous entraîne, Désemparés, perdus, sur la Terre-de-Feu. Le courant porte à
l'est. Notre morte est certaine: Il faut cingler au nord pour bien passer ce lieu. -- Ci-joint est mon journal,
portant quelques études Des constellations des hautes latitudes. Qu'il aborde, si c'est la volonté de Dieu!'
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By PanEris
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