peu!
Et dire qu'elle est morte! Hélas! que Dieu m'assiste!
Je n'étais jamais gai quand je la sentais triste;
J'étais morne au milieu du bal le plus joyeux
Si j'avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux.

247   Quand nous habitions tous ...

QUAND nous habitions tous ensemble
Sur nos collines d'autrefois,
Où l'eau court, où le buisson tremble
Dans la maison qui touche aux bois,

Elle avait dix ans, et moi trente;
J'étais pour elle l'univers.
Oh! comme l'herbe est odorante
Sous les arbres profonds et verts!

Elle faisait mon sort prospère,
Mon travail léger, mon ciel bleu.
Lorsqu'elle me disait: Mon père,
Tout mon coeur s'écriait: Mon Dieu!

A travers mes songes sans nombre,
J'écoutais son parler joyeux,
Et mon front s'éclairait dans l'ombre
A la lumière de ses yeux.

Elle avait l'air d'une princesse
Quand je la tenais par la main.
Elle cherchait des fleurs sans cesse
Et des pauvres dans le chemin.

Elle donnait comme on dérobe,
En se cachant aux yeux de tous.
Oh! la belle petite robe
Qu'elle avait, vous rappelez-vous?

Le soir, auprès de ma bougie,
Elle jasait à petit bruit,
Tandis qu'à la vitre rougie
Heurtaient les papillons de nuit.

Les anges se miraient en elle.
Que son bonjour était charmant!
Le ciel mettait dans sa prunelle
Ce regard qui jamais ne ment.

Oh! je l'avais, si jeune encore,
Vue apparaître en mon destin!
C'était l'enfant de mon aurore,
Et mon étoile du matin!

Quand la lune claire et sereinè
Brillait aux cieux, dans ces beaux mois,
Comme nous allions dans la plaine!
Comme nous courions dans les bois!

Puis, vers la lumière isolée
Étoilant le logis obscur,
Nous revenions par la vallée
En tournant le coin du vieux mur;

Nous revenions, coeurs pleins de flamme,
En parlant des splendeurs du ciel.
Je composais cette jeune âme
Comme l'abeille fait son miel.

Doux ange aux candides pensées,
Elle était gaie en arrivant ... --
Toutes ces choses sont passées
Comme l'ombre et comme le vent!


248   A Villequier

MAINTENANT que Paris, ses pavés et ses marbres,
Et sa brume et ses toits sont bien loin de mes yeux;
Maintenant que je suis sous les branches des arbres,
Et que je puis songer à la beauté des cieux;

Maintenant que du deuil qui m'a fait l'âme obscure
            Je sors, pâle et vainqueur,
Et que je sens la paix de la grande nature
            Qui m'entre dans le coeur;

Maintenant que je puis, assis au bord des ondes,
Ému par ce superbe et tranquille horizon,
Examiner en moi les vérités profondes
Et regarder les fleurs qui sont dans le gazon;


  By PanEris using Melati.

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