pour réchauffer ses membres déjà roides.
Hélas! ce que la mort touche de ses mains froides
Ne se réchauffe plus aux foyers d'ici-bas!
Elle pencha la tête et lui tira ses bas,
Et dans ses vieilles mains prit les pieds du cadavre.
--Est-ce que ce n'est pas une chose qui navre!
Cria-t-elle; monsieur, il n'avait pas huit ans!
Ses maîtres, il allait en classe, étaient contents.
Monsieur, quand il fallait que je fisse une lettre,

C'est lui qui l'écrivait. Est-ce qu'on va se mettre
A tuer les enfants maintenant? Ah! mon Dieu!
On est donc des brigands? Je vous demande un peu,
Il jouait ce matin, là, devant la fenêtre!
Dire qu'ils m'ont tué ce pauvre petit être!
Il passait dans la rue, ils ont tiré dessus.
Monsieur, il était bon et doux comme un Jésus.
Moi je suis vieille, il est tout simple que je parte;
Cela n'aurait rien fait à monsieur Bonaparte
De me tuer au lieu de tuer mon enfant!--
Elle s'interrompit, les sanglots l'étouffant.
Puis elle dit, et tous pleuraient près de l'aïeule:
--Que vais-je devenir à présent toute seule?
Expliquez-moi cela, vous autres, aujourd'hui.
Hélas! je n'avais plus de sa mère que lui.
Pourquoi l'a-t-on tué? je veux qu'on me l'explique.
L'enfant n'a pas crié: Vive la République.--
Nous nous taisions, debout et graves, chapeau bas,
Tremblant devant ce deuil qu'on ne console pas.

Vous ne compreniez point, mère, la politique.
Monsieur Napoléon, c'est son nom authentique,
Est pauvre, et même prince; il aime les palais;
Il lui convient d'avoir des chevaux, des valets,
De l'argent pour son jeu, sa table, son alcôve,
Ses chasses; par la même occasion, il sauve
La famille, l'église et la société;
Il veut avoir Saint-Cloud, plein de roses l'été,
Où viendront l'adorer les préfets et les maires;
C'est pour cela qu'il faut que les vieilles grand'mères,
De leurs pauvres doigts gris que fait trembler le temps,
Cousent dans le linceul des enfants de sept ans.


243   Luna ÔFRANCE, quoique tu sommeilles,
Nous t'appelons, nous, les proscrits!
Les ténèbres ont des oreilles,
Et les profondeurs ont des cris.

Le despotisme âpre et sans gloire
Sur les peuples découragés
Ferme la grille épaisse et noire
Des erreurs et des préjugés;

Il tient sous clef l'essaim fidèle
Des fermes penseurs, des héros,
Mais l'Idée avec un coup d'aile
Écartera les durs barreaux,

Et, comme en l'an quatre-vingt-onze,
Reprendra son vol souverain;
Car briser la cage de bronze,
C'est facile à l'oiseau d'airain.

L'obscurité couvre le monde,
Mais l'Idée illumine et luit;
De sa clarté blanche elle inonde
Les sombres azurs de la nuit.

Elle est le fanal solitaire,
Le rayon providentiel.
Elle est la lampe de la terre
Qui ne peut s'allumer qu'au ciel.

Elle apaise l'âme qui souffre,
Guide la vie, endort la mort;
Elle montre aux méchants le gouffre,
Elle montre aux justes le port.

En voyant dans la brume obscure
L'Idée, amour des tristes yeux,
Monter calme, sereine et pure,
Sur l'horizon mystérieux,

Les fanatismes et les haines
Rugissent devant chaque seuil
Comme hurlent les chiens obscènes
Quand apparaît la lune en deuil.

Oh, contemplez l'idée altière,
Nations! son front surhumain
A, dès à présent, la lumière
Qui vous éclairera demain!


244   Le Chasseur Noir --QU'ES-TU, passant? Le bois est sombre,
        Les corbeaux volent en grand nombre.
        Il va pleuvoir.
    --Je suis celui qui va dans l'ombre,
        Le chasseur noir!

Les feuilles des bois, du vent remuées,
        Sifflent ... on dirait
Qu'un sabbat nocturne emplit de huées
        Toute la forêt;
Dans une clairière au sein des nuées,
        La lune apparaît.

    Chasse


  By PanEris using Melati.

Previous chapter/page Back Home Email this Search Discuss Bookmark Next chapter/page
Copyright: All texts on Bibliomania are © Bibliomania.com Ltd, and may not be reproduced in any form without our written permission. See our FAQ for more details.