le Saule, N'était-ce pas hier, pâle Desdemona?
XN'était-ce pas hier qu'à la fleur de ton âge Tu traversais l'Europe, une lyre à la main; Dans la mer, en riant, te
jetant à la nage, Chantant la tarentelle au ciel napolitain, Coeur d'ange et de lion, libre oiseau de passage, Espiègle
enfant ce soir, sainte artiste demain?
XIN'était-ce pas hier qu'enivrée et bénie, Tu traînais à ton char un peuple transporté, Et que Londre et Madrid, la
France et l'Italie, Apportaient à tes pieds cet or tant convoité, Cet or deux fois sacré qui payait ton génie, Et
qu'à tes pieds souvent laissa ta charité?
XIIQu'as-tu fait pour mourir, ô noble créature, Belle image de Dieu, qui donnais en chemin Au riche un peu
de joie, au malheureux du pain; Ah! qui donc frappe ainsi dans la mère nature, Et quel faucheur aveugle,
affamé de pâture, Sur les meilleurs de nous ose porter la main?
XIIINe suffit-il donc pas à l'ange des ténèbres Qu'à peine de ce temps il nous reste un grand nom? Que Géricault,
Cuvier, Schiller, Goethe et Byron Soient endormis d'hier sous les dalles funèbres, Et que nous ayons vu
tant d'autres morts célèbres Dans l'abîme entr'ouvert suivre Napoléon?
XIVNous faut-il perdre encor nos têtes les plus chères, Et venir en pleurant leur fermer les paupières, Dès qu'un
rayon d'espoir a brillé dans leurs yeux? Le ciel de ses élus devient-il envieux? Ou faut-il croire, hélas! ce que
disaient nos pères, Que lorsqu'on meurt si jeune on est aimé des dieux?
XVAh! combien, depuis peu, sont partis pleins de vie, Sous les cyprès anciens que de saules nouveaux! La cendre de Robert à peine refroidie, Bellini tombe et meurt! -- Une lente agonie Traîne Carrel sanglant à
l'éternel repos. Le seuil de notre siècle est pavé de tombeaux.
XVIQue nous restera-t-il, si l'ombre insatiable, Dès que nous bâtissons, vient tout ensevelir? Nous qui sentons
déjà le sol si variable, Et, sur tant de débris, marchons vers l'avenir, Si le vent, sous nos pas, balaye ainsi le
sable, De quel deuil le Seigneur veut-il donc nous vêtir?
XVIIHélas! Marietta, tu nous restais encore. Lorsque, sur le sillon, l'oiseau chante à l'aurore, Le laboureur s'arrête,
et, le front en sueur, Aspire dans l'air pur un souffle de bonheur. Ainsi nous consolait ta voix fraîche et
sonore, Et tes chants dans les cieux emportaient la douleur.
XVIIICe qu'il nous faut pleurer sur ta tombe hâtive, Ce n'est pas l'art divin, ni ses savants secrets: Quelque
autre étudiera cet art que tu créais; C'est ton âme, Ninette, et ta grandeur naïve, C'est cette voix du coeur
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By PanEris
using Melati.
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