qui seule au coeur arrive, Que nul autre, après toi, ne nous rendra jamais.
XIXAh! tu vivrais encor sans cette âme indomptable. Ce fut là ton seul mal, et le secret fardeau Sous lequel ton
beau corps plia comme un roseau. Il en soutint longtemps la lutte inexorable. C'est le Dieu tout-puissant,
c'est la Muse implacable Qui dans ses bras en feu t'a portée au tombeau.
XXQue ne l'étouffais-tu, cette flamme brûlante Que ton sein palpitant ne pouvait contenir? Tu vivrais, tu verrais
te suivre et t'applaudir De ce public blasé la foule indifférente, Qui prodigue aujourd'hui sa faveur inconstante A
des gens dont pas un, certes, n'en doit mourir.
XXIConnaissais-tu si peu l'ingratitude humaine? Quel rêve as-tu donc fait de te tuer pour eux! Quelques bouquets
de fleurs te rendaient-ils si vaine, Pour venir nous verser de vrais pleurs sur la scène, Lorsque tant d'histrions
et d'artistes fameux, Couronnés mille fois, n'en ont pas dans les yeux?
XXIIQue ne détournais-tu la tête pour sourire, Comme on en use ici quand on feint d'être ému? Hélas! on t'aimait
tant, qu'on n'en aurait rien vu. Quand tu chantais le Saule, au lieu de ce délire, Que ne t'occupais-tu de
bien porter ta lyre? La Pasta fait ainsi: que ne l'imitais-tu?
XXIIINe savais-tu donc pas, comédienne imprudente, Que ces cris insensés qui te sortaient du coeur De ta joue
amaigrie augmentaient la pâleur? Ne savais-tu donc pas que, sur ta tempe ardente, Ta main de jour en
jour se posait plus tremblante, Et que c'est tenter Dieu que d'aimer la douleur?
XXIVNe sentais-tu donc pas que ta belle jeunesse De tes yeux fatigués s'écoulait en ruisseaux Et de ton noble
coeur s'exhalait en sanglots? Quand de ceux qui t'aimaient tu voyais la tristesse, Ne sentais-tu donc pas
qu'une fatale ivresse Berçait ta vie errante à ses derniers rameaux?
XXVOui, oui, tu le savais, qu'au sortir du théâtre, Un soir dans ton linceul il faudrait te coucher. Lorsqu'on te
rapportait plus froide que l'albâtre, Lorsque le médecin, de ta veine bleuâtre, Regardait goutte à goutte un
sang noir s'épancher, Tu savais quelle main venait de te toucher.
XXVIOui, oui, tu le savais, et que, dans cette vie, Rien n'est bon que d'aimer, n'est vrai que de souffrir. Chaque
soir dans tes chants tu te sentais pâlir. Tu connaissais le monde, et la foule, et l'envie, Et, dans ce corps
brisé concentrant ton génie. Tu regardais aussi la Malibran mourir.
XXVIIMeurs done! ta mort est douce et ta tâche est remplie. Ce que l'homme ici-bas appelle le génie, C'est le
besoin d'aimer; hors de là tout est vain. Et, puisque tôt ou tard l'amour humain s'oublie, Il est d'une grande
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By PanEris
using Melati.
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