L'ivoire, où ses mains ont des ailes,
Et, comme des papillons blancs,
Sur la pointe des notes frêles
Suspendent
leurs baisers tremblants;
L'hermine vierge de souillure,
Qui, pour abriter leurs frissons,
Ouate de sa blanche fourrure
Les épaules et
les blasons;
Le vif-argent aux fleurs fantasques
Dont les vitraux sont ramagés;
Les blanches dentelles des vasques,
Pleurs
de l'ondine en l'air figés;
L'aubépine de mai qui plie
Sous les blancs frimas de ses fleurs;
L'albâtre où la mélancolie
Aime à retrouver ses
pâleurs;
Le duvet blanc de la colombe,
Neigeant sur les toits du manoir,
Et la stalactite qui tombe,
Larme blanche
de l'antre noir?
Des Groenlands et des Norvèges
Vient-elle avec Séraphita?
Est-ce la Madone des neiges,
Un sphinx blanc
que l'hiver sculpta,
Sphinx enterré par l'avalanche,
Gardien des glaciers étoilés,
Et qui, sous sa poitrine blanche,
Cache de blancs
secrets gelés?
Sous la glace où calme il repose,
Oh! qui pourra fondre ce coeur!
Oh! qui pourra mettre un ton rose
Dans
cette implacable blancheur!
283
PrièreCOMME un ange gardien prenez-moi sous votre aile,
Tendez, en souriant et daignant vous
pencher,
A ma petite main votre main maternelle,
Pour soutenir mes pas et me faire marcher! Car Jésus, le doux maître aux célestes tendresses,
Permettait aux enfants de s'approcher de lui;
Comme un
père indulgent il souffrait leurs caresses,
Et jouait avec eux sans témoigner d'ennui.
Õ
vous, qui ressemblez à ces tableaux d'église
Où l'on voit, sur fond d'or, l'auguste Charité
Préservant de la faim,
préservant de la bise
Un groupe frais et blond dans sa robe abrité,
Comme le nourrisson de la mère divine,
Par pitié, laissez-moi monter sur vos genoux,
Moi, pauvre jeune
fille, isolée, orpheline,
Qui n'ai d'espoir qu'en Dieu, qui n'ai d'espoir qu'en vous.
284
Noël
LE ciel est noir, la terre est blanche.
Cloches, carillonnez gaîment!
Jésus est né; la Vierge penche
Sur lui son
visage charmant. Pas de courtines festonnées
Pour préserver l'enfant du froid;
Rien que les toiles d'araignées
Qui pendent des
poutres du toit.
Il tremble sur la paille fraîche,
Ce cher petit enfant Jésus,
Et pour l'échauffer dans sa crèche
L'âne et le boeuf
soufflent dessus.
La neige au chaume pend ses franges,
Mais sur le toit s'ouvre le Ciel,
Et, tout en blanc, le choeur des
anges
Chante aux bergers: `Noël! Noël!'
285
Pendant la TempêteLA barque est petite et la mer immense,
La vague nous jette au ciel en courroux,
Le
ciel nous renvoie au flot en démence:
Près du mât rompu prions à genoux! De nous à la tombe il n'est qu'une planche:
Peut-être ce soir, dans un lit amer,
Sous un froid linceul, fait
d'écume blanche,
Irons-nous dormir, veillés par l'éclair!