Fleur du paradis, sainte Notre-Dame,
Si bonne aux marins en péril de mort,
Apaise le vent, fais taire la
lame,
Et pousse du doigt notre esquif au port.
Nous te donnerons, si tu nous délivres,
Une belle robe en papier d'argent,
Un cierge à festons pesant quatre
livres,
Et, pour ton Jésus, un petit Saint-Jean.
286
Ce que disent les HirondellesDéjà plus d'une feuille sèche
Parsème les gazons jaunis;
Soir et matin, la
brise est fraîche,
Hélas! les beaux jours sont finis! On voit s'ouvrir les fleurs que garde
Le jardin, pour dernier trésor;
Le dahlia met sa cocarde
Et le souci sa
toque d'or.
La pluie au bassin fait des bulles,
Les hirondelles sur le toit
Tiennent des conciliabules:
Voici l'hiver, voici
le froid!
Elles s'assemblent par centaines,
Se concertant pour le départ.
L'une dit: `Oh! que dans Athènes
Il fait bon
sur le vieux rempart!
`Tous les ans j'y vais et je niche
Aux métopes du Parthénon.
Mon nid bouche dans la corniche
Le trou d'un
boulet de canon.'
L'autre: `J'ai ma petite chambre
A Smyrne, au plafond d'un café.
Les Hadjis comptent leurs grains d'ambre
Sur
le seuil, d'un rayon chauffé.
J'entre et je sors, accoutumée
Aux blondes vapeurs des chibouchs,
Et parmi des flots de fumée
Je rase
turbans et tarbouchs.'
Celle-ci: `J'habite un triglyphe
Au fronton d'un temple, à Balbeck.
Je m'y suspens avec ma griffe
Sur mes
petits au large bec.'
Celle-là: `Voici mon adresse:
Rhodes, palais des Chevaliers;
Chaque hiver, ma tente s'y dresse
Au chapiteau
des noirs piliers.'
La cinquième: `Je ferai halte,
Car l'âge m'alourdit un peu,
Aux blanches terrasses de Malte
Entre l'eau bleue
et le ciel bleu.'
La sixième: `Qu'on est à l'aise
Au Caire, en haut des minarets!
J'empâte un ornement de glaise,
Et mes quartiers
d'hiver sont prêts.'
`A la seconde cataracte,
Fait la dernière, j'ai mon nid;
J'en ai noté la place exacte,
Dans le pschent d'un roi
de granit.'
Toutes: `Demain combien de lieues
Auront filé sous notre essaim,
Plaines brunes, pics blancs, mers bleues
Brodant
d'écume leur bassin!'
Avec cris et battements d'ailes,
Sur la moulure aux bords étroits,
Ainsi jasent les hirondelles,
Voyant venir la
rouille aux bois.
Je comprends tout ce qu'elles disent,
Car le poète est un oiseau;
Mais, captif, ses élans se brisent
Contre
un invisible réseau!
Des ailes! des ailes! des ailes!
Comme dans le chant de Rückert,
Pour voler là-bas avec elles
Au soleil d'or,
au printemps vert!