`Cherchez les effets et les causes,'
Nous disent les rêveurs moroses.
Des mots! des mots! cueillons les
roses.
310 A Georges Rochegrosse ENFANT dont la lèvre rit
Et, gracieuse, fleurit
Comme une corolle éclose,
Et
qui sur ta joue en fleurs
Portes encor les couleurs
Du soleil et de la rose! Pendant ces jours filés d'or
Où tu ressembles encor
A toutes les choses belles,
Le vieux poète bénit
Ton enfance,
et le doux nid
Où ton âme ouvre ses ailes.
Hélas! bientôt, petit roi,
Tu seras grand! souviens-toi
De notre splendeur première.
Dis tout haut les divins
noms:
Souviens-toi que nous venons
Du ciel et de la lumière.
Je te souhaite, non pas
De tout fouler sous tes pas
Avec un orgueil barbare,
Non pas d'être un de ces
fous
Qui sur l'or ou les gros sous
Fondent leur richesse avare,
Mais de regarder les cieux!
Qu'au livre silencieux
Ta prunelle sache lire,
Et que, docile aux chansons,
Ton
oreille s'ouvre aux sons
Mystérieux de la lyre!
Enfant bercé dans les bras
De ta mère, tu sauras
Qu'ici-bas il faut qu'on vive
Sur une terre d'exil
Où je ne sais
quel plomb vil
Retient notre âme captive.
Sous cet horizon troublé,
Ah! malheur à l'Exilé
Dont la mémoire flétrie
Ne peut plus se rappeler,
Et qui n'y sait
plus parler
La langue de la patrie!
Mais le ciel, dans notre ennui,
N'est pas perdu pour celui
Qui le veut et le devine,
Et qui, malgré tous nos
maux,
Balbutie encor les mots
Dont l'origine est divine.
Emplis ton esprit d'azur!
Garde-le sévère et pur,
Et que ton coeur, toujours digne
De n'être pas reproché,
Ne
soit jamais plus taché
Que le plumage d'un cygne!
Souviens-toi du Paradis,
Cher coeur! et je te le dis
Au moment où nulle fange
Terrestre ne te corrompt,
Pendant
que ton petit front
Est encor celui d'un ange.